Avant de lire… Printeurs

Printeurs est le premier roman de Lionel Dricot, alias Ploum, ingénieur (en informatique) de formation, originaire de la Belgique et engagé dans la défense et la promotion des logiciels libres. Son roman s’inscrit dans le genre du cyberpunk et nous décrit un avenir plus ou moins lointain où notre société capitaliste a parachevé l’assujettissement de la population grâce à l’alliance de la publicité et de nouvelles technologies. Bien que Printeurs possède des qualités et qu’il traite de questions cruciales et très actuelles, il souffre de nombreux défauts, tant sur le fond que sur la forme, ce qui l’empêche d’être, à mes yeux, un roman véritablement réussi et que je pourrais recommander à d’autres lecteurs et lectrices.

Dans Printeurs, on suit principalement Nellio, un ingénieur spécialiste de l’impression 3D qui est recruté par une mystérieuse et belle femme, Eva, pour travailler sur un projet secret dont l’objectif est de bousculer l’ordre établi. Très vite, il va rencontrer le mécène de ce projet, un riche et célèbre acteur, Georges Farreck, qui semble à la fois profiter du système et vouloir le renverser. En parallèle, l’histoire nous met dans la peau d’un ouvrier/esclave travaillant sur une chaîne de montage dans une usine. Lui et ses collègues sont désignés par des numéros et l’on comprend vite que la terreur et la violence règnent en maîtresses dans cet univers quasi carcéral. Voilà pour l’argument.

Commençons par les points positifs. J’ai apprécié le personnage de 689, l’ouvrier ambitieux qui ne connaît que la peur, la souffrance et la violence, et a pour unique but de gravir les échelons de la hiérarchie et se hisser au sommet. C’est un pur produit de ce système productiviste et individualiste qui attribue davantage de valeur aux biens manufacturés qu’aux êtres humains qui les produisent. Son parcours est glaçant, du début à la fin. Ensuite, le roman est riche en idées et réflexions et il invite les lecteurs et lectrices à se questionner sur le monde dans lequel ils vivent et à toutes les dérives que les nouvelles technologies peuvent entraîner (une caractéristique du genre cyberpunk). Enfin, le roman est suffisamment bien écrit pour que la lecture soit fluide et qu’on ait envie de tourner avec avidité les pages pour connaître le fin mot de l’histoire, chaque chapitre se terminant sur un suspens qui incite à lire la suite (bien que cela semble parfois un peu artificiel). Le rythme est soutenu (presque trop) et il y a peu de temps morts mais l’alternance entre l’histoire de Nellio et celle de l’ouvrier apporte une respiration au récit.

Cependant… et j’en viens aux défauts… j’ai trouvé la qualité de l’écriture inégale. Certains passages sont plutôt bien écrits mais d’autres sont plus maladroits. Il en va de même pour le vocabulaire. Il est riche mais parfois cela ne sonne pas juste. Certains mots (« gourdiflot ») ou expressions (« je me morigène ») ne collent pas à l’ambiance ou au personnage qui les prononcent. Personnellement, je n’ai jamais rencontré l’expression « peu me chaut » et celle-ci est utilisée à plusieurs reprises dans le roman. Je ne prétends pas être maître en la matière et j’ignore l’existence et la signification de bien des mots et expressions. Pourtant, celle-ci m’a semblé en décalage avec l’univers (à moins que cela soit une expression couramment utilisée par les belges). Ensuite, il y a certains mots qui sont trop souvent utilisés à mon goût, comme un tic d’écriture que l’auteur n’aurait pas réussi à gommer. Par exemple, presque toutes les lumières sont « blafardes ». Ou encore le mot « sarabande » qui revient régulièrement. Ce sont peut-être des détails mais ils apparaissent comme des aspérités sur lesquelles j’ai buté lors de ma lecture. Voilà pour la forme.

En ce qui concerne le fond, le premier problème rencontré vient de Georges Farreck qui est un clone (assumé) de Georges Clooney. L’idée a peut-être amusé l’auteur mais, en ce qui me concerne, cela m’a immédiatement sorti de l’histoire. Le personnage a perdu toute crédibilité et le récit en a pâti. Parmi les autres personnages, certains sont attachants (Max et Junior) mais d’autres manquent de profondeurs. Ensuite, le traitement des thèmes abordés (qui sont, somme toute, assez classiques aujourd’hui) manque d’originalité et ne permet pas de rendre l’histoire véritablement singulière. Comme le style littéraire manque, selon moi, lui aussi de personnalité, le résultat est un récit efficace mais un peu terne. Si j’ose la comparaison, Tè mawon de Michael Roch est un exemple de roman qui traite de sujets similaires mais avec plus d’originalité, une plus grande profondeur et un enrobage littéraire plus conséquent.

En conclusion, si le roman de Ploum est divertissant et se lit facilement, j’ai trouvé qu’il souffrait de trop nombreuses imperfections pour que je puisse le qualifier de « bon » roman. C’est dommage, on sent bien que l’auteur a beaucoup de choses à dire et à partager, des idées intéressantes et des réflexions pertinentes. Pour terminer sur une note positive, je suis très reconnaissant à Ploum de parler « d’algorithme » et non pas « d’intelligence artificielle » (ou d’IA) comme c’est souvent le cas dans les romans de science-fiction et plus particulièrement de cyberpunk. Il participe ainsi à lever le voile sur cette supercherie qu’est « l’intelligence artificielle » qui inonde les débats et les discours politiques. Rien que pour cela, je lui dis « Merci ! ».

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