Avant de lire… Wang

Après une première expérience catastrophique avec l’œuvre de Pierre Bordage, j’ai décidé de donner une seconde chance à cet auteur qui fait parti des grands noms de la science-fiction française depuis le début des années 90. Pour m’éviter une nouvelle déconvenue (ou sceller à jamais mon avis sur cet auteur), j’ai choisi de lire un de ses premiers romans, un de ses grands succès. Et c’est lors de ma toute première visite de la librairie L’Atalante à Nantes, un lieu unique pour tout amateur ou amatrice de littérature de l’imaginaire (bien mieux que l’autre Lieu Unique nantais), que je suis tombé sous la charme de la très belle réédition de Wang. Voilà comment tout a commencé.

Dans Wang, Pierre Bordage nous emmène au XXIIIe siècle. Le monde est divisé en deux : d’un côté, l’Occident constituée de l’Europe de l’Ouest, de l’Amérique du Nord et d’Israël, et de l’autre… tout le reste. Entre les deux blocs se dresse un mur électromagnétique infranchissable qui transforme l’Occident en forteresse. À l’intérieur, c’est l’abondance, le confort technologique, les loisirs et la vie quasi-éternelle. Au-delà du mur, les populations ne connaissent que la famine, la violence, les exactions des mafias et extrémistes religieux et la pollution. Mais de temps en temps, des vagues d’immigrés sont autorisées à passer en Occident avec l’espoir d’une vie meilleure. Mais que se passe-t-il réellement pour eux derrière le mur ? Wang, un jeune chinois, tente sa chance…

Au travers des deux tomes qui constituent ce diptyque, l’auteur nous livre une véritable épopée, digne des héros antiques (le tragique en moins), et porte un message profondément humaniste. Son héros, Wang, est doté d’un instinct de survie particulièrement développé mais sans qu’il soit dénué de valeurs morales et éthiques, bien au contraire. C’est avec une noblesse et une intégrité exemplaires qu’il va tenter de survivre et de renverser la table et rétablir l’équilibre dans un monde très inégalitaires. Dans ce roman, Pierre Bordage dénonce les travers de la société occidentale, le colonialisme et l’esclavagisme, le racisme, la société de consommation et la superficialité de ce mode de vie, les inégalités mais aussi les religions et l’obscurantisme des extrémistes qui asservissent les populations. Il oppose au rationalisme occidental la spiritualité orientale, incarnée par Wang et sa grand-mère.

L’histoire est bien écrite, très propre, sans pour autant que le style de Pierre Bordage ne s’impose comme un élément fort et marquant du livre. La structure narrative est suffisamment bien construite pour que le récit soit prenant, dynamique, et il nous donne envie de poursuivre la lecture, chapitre après chapitre. J’ai particulièrement savouré la lecture de certains passages pour leur puissance évocatrice, la justesse des mots et l’émotion suscitée. Cependant, cela n’est resté qu’occasionnel et je n’ai, dans l’ensemble, pas été particulièrement marqué par le style.

Disons-le, Wang est un bon roman. Je l’ai lu avec plaisir et il m’a bien diverti. Il possède de vrais atouts et je ne regrette pas de l’avoir lu. En revanche, il possède des défauts qui l’empêche de passer à mes yeux d’un « bon » roman à un « très bon » roman. Je pourrais par exemple mentionner les personnages qui ne sont pas tous très approfondis. En effet, un travail plus conséquent sur la psychologie des personnages aurait apporté un peu plus de nuances et de profondeur au roman et aux réflexions qu’il porte. Je pourrais également parler de la facilité avec laquelle Wang se sort des situations les plus inextricables et de la rapidité déconcertante du dénouement. Enfin, si les réflexions politiques et philosophiques sont nombreuses, cela n’a pas fait naitre en moi de profondes réflexions, cela ne m’a pas bousculé dans mes idées et je n’ai pas été déstabilisé par ce que j’ai lu. Ce n’est donc pas un de ces romans dont je suis sorti l’esprit en ébullition, ceux qui demandent un certain temps pour en digérer la lecture et qui ont fait évoluer ma pensée. Mais là n’était sans doute pas le but de l’auteur.

Pour juger de la qualité d’un roman et de l’impact qu’il a eu sur moi, je me pose toujours la question : aurai-je envie de le relire un jour ? A cette question, je ne suis pas certain de pouvoir répondre par l’affirmative. J’ai vécu cette aventure une fois, je l’ai appréciée, mais je ne pense pas que je ressentirai un jour le besoin ou l’envie de la revivre. En tout cas, je n’ai pas identifié un point suffisamment marquant dans ce roman qui me pourrait m’y faire revenir à l’avenir. Mais sait-on jamais…

Ce qui est clair, c’est que je me suis réconcilié avec Pierre Bordage. Je ne souhaitais pas rester sur mon premier échec et j’ai eu raison de persévérer. La lecture de Wang a été très agréable et divertissante. Je poursuivrai prochainement l’exploration de l’œuvre de cette auteur, probablement avec Les Guerriers du Silence.

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