Avant de lire… Le Feu de Dieu

Rares sont les livres que j’ai arrêtés en cours de lecture. Et je ne m’attendais pas à ce que le premier roman de Pierre Bordage auquel je m’attaque connaisse une telle fin tant cet auteur occupe une place importante dans la science-fiction française. Pourtant, c’est bien ce qu’il s’est passé : je n’ai pas pu terminer la lecture du Feu de Dieu…

On ne pourra pas me reprocher de ne pas avoir donné sa chance au livre, de ne pas avoir persévéré. En effet, si j’ai senti dès les premières pages que quelque chose n’allait pas me convenir et que j’ai failli arrêter une première fois lorsque j’ai atteint la centième page, j’ai poursuivi. Le livre faisant presque 500 pages et l’auteur étant Monsieur Pierre Bordage, je me suis dit qu’il avait peut-être un potentiel insoupçonné qu’il restait à découvrir et qu’il fallait lui laisser sa chance. J’ai donc persévéré… mais au bout de 200 pages, j’ai définitivement jeté l’éponge.

Ce qui m’a attiré : un univers post-cataclysme, un voyage à travers une France ravagée où la société humaine s’est décomposée… bref, un thème classique mais qui prend place en France, ce qui n’est pas souvent le cas pour ce sous-genre de la science-fiction. Et puis je voulais enfin découvrir cet auteur dont j’ai tellement entendu parler (pas toujours en bien, ceci dit). Il faut aussi dire que c’était un des rares romans de Pierre Bordage qui était sur les étagères de ma bibliothèque de quartier. Ne nions pas l’importance de ce fait dans le choix qui fut le mien.

Un thème donc très en vogue, qui a été maintes fois traité, en littérature comme au cinéma, et qui présente donc l’inconvénient de devoir être abordé avec intelligence pour ne pas aboutir à un récit fade et peu original. Malheureusement, Pierre Bordage n’a, selon moi, pas réussi son coup. Non seulement le roman n’est pas vraiment original dans son traitement du thème mais l’ensemble se démarque par un incroyable manque de finesse et de subtilité. Voilà le principal problème de ce roman : les personnages sont caricaturaux, ils n’agissent pas toujours en cohérence avec leur personnalité et leurs valeurs, et l’ensemble manque globalement de crédibilité.

J’ai par exemple été assez dubitatif quant à la vitesse à laquelle la société s’est effondrée suite au cataclysme qui s’est produit : le jour-même, le chaos le plus total régnait dans Paris, avec des pillages et des affrontements entre groupes armés. Bien que les circonstances semblent particulièrement apocalyptiques et aussi violentes que soudaines, toute forme d’organisation collective s’évapore en quelques heures. Cela m’a semblé assez peu crédible et assez pessimiste. Au contraire, des situations bien réelles ont souvent montré une grande solidarité au sein d’une population victime d’une catastrophe naturelle comme un puissant séisme qui ravage une ville et enseveli des milliers de personnes sous les gravats.

En ce qui concerne les personnages, Pierre Bordage manque vraiment de subtilité pour les présenter, notamment le personnage de Jim qui est le principal antagoniste, le « mal » incarné, le loup dans la bergerie. Celui-ci est immédiatement présenté comme une personne toxique puisque, en plus d’être égoïste, profiteur et manipulateur, il est décrit comme un prédateur sexuel qui ne semble pas s’embarrasser de la question du consentement. Alice entrevoit déjà la violence physique dont il peut faire preuve si elle s’oppose à lui et préfère se livrer sans résistance pour protéger ses enfants. Ainsi, il est clairement identifié dès le départ comme un danger grave et imminent pour la famille de Franx qui se retrouve isolée avec lui dans le domaine du Feu de Dieu. C’est à se demander comme un type pareil à pu atterrir dans la communauté et ne pas en être éjecté manu militari au bout d’une semaine. Je comprends bien l’idée de départ que l’auteur a voulu développer et ses raisons : cette situation permet d’avoir une tension immédiate avec Franx qui doit se dépêcher de rentrer au Feu de Dieu pour protéger sa famille à la merci d’un psychopathe. Le frisson semble garanti ! Mais tout cela a été mis en place très vite, trop vite, et sans grande subtilité. Le Jim en question en devient fade, un personnage juste bête et méchant, sans aucune profondeur psychologique.

Je passe sur certains aspects un peu sexistes et le prévisibilité des événements (j’ai feuilleté la fin et oui, cela se termine à peu de choses près comme je le pressentais). C’est donc une belle déception que ce Feu de Dieu et cela m’a un peu refroidi vis-à-vis de Pierre Bordage. Je pense que je lui donnerai une nouvelle fois sa chance mais probablement pas tout de suite. Et je ne peux donc pas décemment recommander ce roman…

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