Avant de lire… Le Mur Invisible

Vous en avez marre de vos congénères ? Vous rêvez de tout plaquer pour aller vous ressourcer en montagne et vivre au rythme des saisons, avec pour seul compagnie des chèvres et des marmottes ? Alors Le mur invisible de Marlen Haushofer est fait pour vous ! Car c’est bien un retour à la Nature que vit l’héroïne de ce roman. Cependant, celui-ci lui est imposé et son quotidien relève davantage d’une âpre lutte pour la survie que d’une villégiature dans un chalet tout confort. Les travaux agricoles, le soin des bêtes avec lesquels elle vit dans une relation de co-dépendance, la naissance, la vie (brève) et la mort de ses compagnons à quatre pattes, la solitude et les pensées noires… Voilà ce qui constitue le quotidien de la narratrice.

L’histoire nous raconte donc l’aventure d’une femme dont on ignore le nom et qui se retrouve isolée en montagne, bloquée par un mur invisible qui l’empêche de sortir d’une certaine zone. Celle-ci est heureusement suffisamment vaste pour lui permettre de cultiver la terre, chasser, trouver du bois, de l’eau, etc. Elle dispose en outre d’un chalet qui lui assure une protection contre les intempéries. Au-delà du mur, tous les êtres vivants sont pétrifiés, morts. De son côté du mur, elle semble être la seule survivante de cette catastrophe dont l’origine n’est pas connue précisément mais qui semble avoir été causée par l’Homme.

Le récit est à la première personne puisque nous lisons directement le récit que cette femme a écrit, quelques années après le début de cette nouvelle vie. Elle raconte comment tout a commencé, comment elle a organisé sa vie dans la forêt et nous fait part de ses pensées et réflexions. Cet isolement forcé constitue à la fois une terrible épreuve et une forme de libération pour cette femme qui n’était pas heureuse dans son ancienne vie.

La narration alterne entre le présent de l’héroïne et le passé qu’elle raconte chronologiquement depuis l’apparition du mur. Ces sauts dans le temps génèrent des moments de tensions car elle révèle parfois des événements tragiques avant qu’ils ne soient arrivés. On se demande alors à quel instant cela va se produire (et dans quelles circonstances), ce qui fait monter la tension petit à petit. Mais ce n’est pas pour autant un livre à suspense. La plupart du récit est très calme, apaisant même, malgré la dureté du quotidien de l’héroïne.

Le roman est agréable à lire, la lecture est fluide et l’immersion est très bonne. Il est écrit d’un bloc, sans chapitre ni partie, à l’image du temps qui s’écoule sans interruption dans cette forêt, les jours, les semaines et les saisons se succédant sans rupture. Le style est assez sobre, il y a quelques passages plus poétiques que d’autres mais il s’agit dans l’ensemble d’une description assez factuelle des événements, y compris les plus tragiques.

Ce roman, très introspectif, ne plaira pas à tout le monde. Il ne s’y passe pas grand chose et en même temps il est incroyablement vivant, riche en instants uniques et en émotions. Il ne faut pas être allergique à la lenteur, la contemplation de la Nature et les réflexions sur la condition humaine. Mais pour celles et ceux qui, comme moi, peuvent apprécier ces choses-là, c’est un très beau roman qui fait vivre une expérience singulière. Dans la mesure du possible, je conseille de le lire d’une seule traite, sur un week-end ou une semaine de vacances où l’on peut se plonger entièrement dans cette ambiance et profiter de la solitude de ce monologue…

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