Avant de lire… Chien du Heaume

Chien du Heaume est le premier roman de Justine Niogret. Il a été publié en 2010 aux éditions Mnémos et a reçu la même année le Grand Prix de l’Imaginaire délivré dans le cadre du festival Étonnants Voyageurs. Dans ce court roman de fantasy assez réaliste, l’autrice nous fait vivre la quête de son héroïne, nommée Chien du Heaume, partie à la recherche de son véritable nom et de son identité, armée de sa hache et de sa témérité. Malgré quelques défauts mineurs, Justine Niogret réussit son coup d’essai avec un très bon premier roman.

Le premier point fort de ce roman est son style littéraire et la qualité de son écriture : Chien de Heaume est sacrément bien écrit, dans un style un peu « moyenâgeux ». Le vocabulaire est riche et précis (j’ai apprécié le lexique en fin de livre, d’ailleurs), les phrases sont travaillées et percutantes… je dirais qu’il n’y a pas de « gras » littéraire. Presque tous les mots, toutes les phrases semblent minutieusement pensées pour servir le récit. Cela donne un texte dense, précis, qui va à l’essentiel, et offre ainsi une expérience de lecture très marquante. Dès les premières pages, on est immergé dans l’action avec un prologue qui introduit parfaitement bien le personnage principal. Très rapidement, j’ai été marqué par les tournures de phrases élégantes et ayant un fort impact sur le lecteur.

– Je viens chercher mon nom, répondit Chien en repoussant son bol vide.
– Ton nom ? Voilà une drôle de quête, lança l’homme sans s’émouvoir. Et pourquoi crois-tu le trouver chez moi ?
– Je ne l’ai pas trouvé ailleurs, et il doit bien se cacher quelque part, répondit Chien.

L’ambiance du roman est particulièrement réussie. On est à l’aube d’un changement civilisationnelle et une certaine mélancolie plane sur tout le roman, comme une impuissance face aux bouleversements du monde. Les saisons ont un véritable impact sur le cheminement des personnages, notamment l’hiver qui est décrit comme une saison morte, figée par le froid et la neige : dès que les routes commencent à geler, tout le monde se calfeutre chez soi, on ferme les portes, les fenêtres, on bouche les trous et les fissures et on se blottit les uns contre les autres près de la cheminée en attendant que le printemps revienne. Le monde dans lequel évolue Chien du Heaume est froid et brutal, on y naît et on y meurt aussi vite, sans fioritures, de froid ou de faim, d’un coup de sang d’un homme armé ou d’un malentendu… Mais la vie est également très présente avec des personnages profondément humains et ces petits moments plein de chaleur, de solidarité, de partage. Ainsi, l’univers apparaît tantôt sombre et pessimiste, tantôt gai et paisible. Bref, c’est à l’image de la vie.

Parmi les quelques défauts que l’on peut relever, je dirais que la trame narrative se perd un peu au fil du roman et la quête principale de Chien du Heaume (retrouver son nom et son identité) finit par passer au second plan. Cela ne m’a pas tant frustré que cela car j’ai été véritablement pris par les aventures de la mercenaire, au fil des rencontres qu’elle fait et des combats qu’elle mène. Sa vie devient finalement la véritable trame narrative, au-delà de ce qu’elle pense être sa véritable quête.

Certains passages m’ont fait penser à la saga du Witcher, en particulier le premier recueil de nouvelles où Géralt de Riv vend ses services comme tueur de monstres. Un chapitre en particulier est emprunt de cette ambiance de chasse où Chien du Heaume traque un « monstre » qui terrorise les paysans locaux. Le traitement de cette histoire et son dénouement est typique de l’univers du Witcher. Sans rien révéler de l’histoire, il y a aussi la Salamandre et cette légende qui mentionnent des sortes de chevaux, les Kelpies (nom donné par Ciri à son cheval), qui fait penser à la Horde Sauvage.

Et pour finir, le « bonus » est un petit bijou : Justine Niogret nous offre un lexique complètement barré, à dix milles lieux du style du roman et qui m’a fait franchement rire. Le changement de style est tellement radical qu’on a du mal à imaginer comment l’autrice a pu nous servir un roman aussi sérieux, sombre et froid. Elle l’écrit elle-même : « Dans la vie, comme le savent mon armée de psys et mes contrôleurs judiciaires, je suis drôle. […] J’ai dû me briser les doigts les uns après les autres pour tenir le sérieux du livre que vous venez de lire (ou que vous vous apprêtez à acheter, voire à chiper comme un petit gredin).« 

C’est donc un beau roman que je recommande. Et pour celles et ceux qui en veulent plus, Justice Niogret nous gratifie d’une suite avec Mordre le bouclier, sorti en 2011, que je lirai sans aucun doute très prochainement.

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